À 65 ans, certaines personnes prennent leur retraite, d’autres repoussent les limites. C’est le cas de Salima Bouayad Agha, universitaire franco-algérienne, qui s’apprête à relever un défi de taille : traverser la Manche à la nage. Plus qu’un exploit sportif, c’est l’aboutissement d’un long parcours de résilience et de persévérance.
Traverser la Manche à la nage n’est pas une entreprise anodine. Ce défi, considéré comme l’un des plus exigeants au monde, nécessite non seulement une préparation physique hors norme, mais aussi une organisation logistique complexe. Entre les frais d’encadrement, les autorisations strictes et les longues listes d’attente pour obtenir un créneau officiel, il faut parfois patienter des années avant d’avoir la chance de se jeter à l’eau. C’est pourtant le projet ambitieux que porte Salima Bouayad Agha, une professeure d’économie de 65 ans installée au Mans.
Une vie entre deux rives
Originaire d’Algérie, Salima a posé ses valises en France en 1991, quittant un pays en crise pour reconstruire sa vie. Malgré son statut d’universitaire reconnue dans son pays d’origine, elle a dû recommencer à zéro, s’adapter à un nouveau système, se battre pour reconquérir sa place dans le monde académique. Ce parcours n’a pas été sans douleurs, mais il l’a forgée, renforcée, préparée à des défis bien plus grands que ceux de l’amphithéâtre.
Une nageuse revenue des profondeurs du temps
C’est dans son adolescence que Salima découvre la natation. À seulement 13 ans, elle intègre l’équipe nationale algérienne, participant à plusieurs compétitions internationales. Cependant, en 1978, elle tourne la page et range son maillot. Ce n’est que plusieurs décennies plus tard qu’elle retrouve les bassins, renouant avec cette discipline exigeante. Et pas de manière anecdotique : elle remporte un championnat d’Europe en crawl longue distance, en individuel et en équipe. La sportive est de retour, plus déterminée que jamais.
La nage comme métaphore de la vie
La vie de Salima est une succession de défis. Le déracinement, les obstacles professionnels, les épreuves personnelles… autant de courants contraires qu’elle a affrontés. Sa philosophie est simple : « bras après bras, on tient bon », une phrase qu’elle compare au 800 mètres nage libre, sa discipline de cœur. Chaque coup de bras est une victoire sur l’adversité, une manière de prouver que l’on peut avancer, lentement mais sûrement, vers ses objectifs.
Un combat intérieur autant qu’extérieur
Ce qui motive Salima, ce n’est pas la gloire ou la reconnaissance. C’est un besoin profond de donner un sens à son parcours, de transformer ses épreuves en force. La traversée de la Manche, avec ses vagues glacées, ses méduses et son courant capricieux, est un miroir de ce qu’a été sa vie : un défi permanent, à la fois physique et mental. Elle le dit elle-même, cette traversée sera autant un voyage intérieur qu’une épreuve d’endurance.
Une trajectoire en S pour un itinéraire de vie sinueux
Prévu pour 2025, son départ de l’Angleterre vers la France ne se fera pas en ligne droite. La Manche impose sa loi : une trajectoire en forme de S, longue de 33 kilomètres mais pouvant dépasser les 40 selon les courants, attend les nageurs. Salima s’y prépare intensément depuis novembre 2023, dans l’espoir de boucler cette odyssée en 17 heures. Ce n’est pas qu’un exploit d’endurance ; c’est un symbole de liberté, d’accomplissement et de transmission.