Des centaines de milliers de retraités français passent à côté d’une partie de leur pension sans même le savoir. Selon un rapport récent de la Caisse des dépôts, près d’un affilié sur trois à l’Ircantec n’a jamais réclamé sa retraite complémentaire, un oubli qui prive certains d’entre eux de plusieurs centaines d’euros par an.

Le chiffre est saisissant : 27,5 % des affiliés à l’Ircantec (Institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l’État et des collectivités publiques) n’ont jamais demandé à toucher leurs droits.
Ce régime, encore méconnu du grand public, concerne tous les anciens agents non titulaires de la fonction publique : vacataires, contractuels, auxiliaires, employés temporaires ou encore personnels hospitaliers.
D’après la Caisse des dépôts, près de 437 000 personnes nées entre 1949 et 1954 ont ainsi laissé leur pension complémentaire dormir sans le savoir.
Un oubli d’autant plus dommageable que les montants peuvent représenter un complément non négligeable : environ 230 euros bruts par an pour les carrières courtes, et jusqu’à 810 euros par an pour les parcours longs. À l’heure où l’inflation fragilise le pouvoir d’achat des retraités, cet argent oublié prend une importance considérable.
Des carrières morcelées, principales coupables

Comment expliquer une telle perte de droits ?
Selon Ronan Mahieu, directeur des études à la Caisse des dépôts, les carrières fragmentées et les transitions entre secteurs sont les principales causes de cet oubli massif.
« De nombreux affiliés ne gardent pas en mémoire qu’ils ont cotisé à ce régime particulier », explique-t-il dans Notre Temps.
Beaucoup de travailleurs, passés du public au privé, changent de caisse de retraite en intégrant l’Agirc-Arrco ou la CNRACL lorsqu’ils deviennent titulaires. Dans ce passage, l’Ircantec disparaît souvent des radars administratifs.
De plus, certains anciens agents, notamment ceux partis à l’étranger, ne réclament jamais leurs droits, soit par méconnaissance, soit par difficulté à effectuer les démarches à distance.
L’impact des transitions professionnelles

Les parcours professionnels discontinus, caractéristiques des générations ayant alterné contrats temporaires, vacations ou emplois publics de courte durée, fragmentent la traçabilité des cotisations.
Résultat : des droits dispersés entre plusieurs régimes, dont certains sont oubliés au moment de la retraite.
Dans les années 1980 ou 1990, beaucoup d’agents contractuels ignoraient même qu’ils cotisaient à l’Ircantec, faute d’informations claires ou de suivi administratif.
Une simplification numérique pour récupérer ses droits
Pour remédier à ce non-recours massif, l’Union Retraite a mis en place en 2019 une demande unique de retraite en ligne, centralisant les différents régimes dans un seul formulaire.
Grâce à cette plateforme, les retraités peuvent retrouver automatiquement leurs droits oubliés, y compris ceux de l’Ircantec, sans avoir à multiplier les démarches.
Une campagne nationale d’information a également été lancée : entre mars 2022 et janvier 2024, plus de 70 000 courriers ont été envoyés aux personnes concernées.
Les résultats sont encourageants : près d’un quart des destinataires ont régularisé leur situation, faisant passer le taux de non-recours de 42 % à 39 %.










