Accusé de lenteur, d’inefficacité et de favoritisme thématique, le Conseil économique, social et environnemental (Cese) se retrouve au centre d’un rapport parlementaire particulièrement sévère.
Cette institution consultative, souvent méconnue du grand public, est aujourd’hui priée de justifier son utilité et ses dépenses face à une représentation nationale de plus en plus critique. Le rapport d’information, présenté ce mercredi 2 juillet devant la commission des finances de l’Assemblée nationale par le député macroniste Daniel Labaronne, dénonce un manque criant d’implication des 175 membres du Cese. Selon lui, le temps de travail moyen — estimé à quatre jours par mois pour une rémunération de 2 500 euros nets — ne saurait justifier le budget alloué à l’institution. L’un des exemples les plus éloquents concerne une étude sur la santé au travail, fondée sur… six auditions seulement.
« Ce nombre paraît étonnamment bas au regard de l’ampleur du sujet », a commenté le rapporteur, soulignant un fonctionnement en roue libre, marqué par une forte proportion d’autosaisines et un déséquilibre des thématiques, au profit de l’environnement, au détriment de l’économique et du social.
Une institution trop centrée sur elle-même ?
Autre grief majeur : le manque d’ancrage du Cese dans la dynamique politique nationale. Selon Labaronne, les travaux produits ne sont que trop rarement sollicités par les parlementaires ou le gouvernement. L’institution privilégierait ses propres agendas plutôt que de répondre aux besoins réels des décideurs publics.
Ce reproche prend d’autant plus de poids qu’il s’ajoute à une critique récurrente sur la faible portée des avis rendus, souvent confidentiels et sans véritable suivi. Un paradoxe pour une entité censée jouer le rôle de « troisième chambre » de la République.
Des privilèges dans le viseur des députés
Le rapport ne s’arrête pas aux missions et à la productivité. Il attaque également les conditions de travail des agents du Cese. L’institution emploie 154 fonctionnaires bénéficiant de 12 « jours Cese » de congés supplémentaires, une disposition que les députés recommandent de supprimer. Leur rémunération moyenne — 5 678 euros bruts par mois — est également pointée du doigt, jugée élevée au regard de la taille et de l’activité de la structure.
Vers une réforme de la rémunération des conseillers
Parmi les pistes proposées figure une rémunération variable en fonction de la présence effective aux réunions, avec un plafond progressif. Il s’agit, selon le rapport, de mettre fin à l’impunité des absents chroniques et d’aligner la rémunération sur l’investissement réel. De même, les députés suggèrent de restreindre le nombre de motifs valables pour justifier une absence, une manière de rétablir une forme d’obligation de résultat.
Le Cese dénonce des « raccourcis »
Face à ces accusations, le Cese se défend, non sans nuance. Dans un communiqué, l’institution affirme prendre acte de certaines remarques qui rejoignent des réformes internes déjà engagées, notamment sur la transparence et la diversification des sujets traités. Mais elle déplore de nombreux raccourcis, en particulier concernant l’engagement réel de ses membres, la diversité des auditions ou encore l’équilibre des thématiques. L’institution rappelle également le rôle croissant joué par la société civile et se dit prête à renforcer la visibilité de sa plateforme de pétitions citoyennes, qui permet en théorie aux citoyens de saisir le Cese via 150 000 signatures.
Une nouvelle alerte avant un rapport de la Cour des comptes
Le rapport parlementaire arrive à un moment clé : la Cour des comptes prépare également un rapport d’observation sur le fonctionnement du Cese. Un document provisoire, cité par Le Canard enchaîné en mars, accusait déjà l’institution de fournir des données financières « extrêmement succinctes », alimentant les soupçons d’opacité.
Avec un budget annuel de 34,4 millions d’euros prévu pour 2025, l’institution est sommée de rendre des comptes, dans un climat politique marqué par l’austérité, la défiance citoyenne et la recherche d’économies dans la dépense publique.
Un avenir incertain pour la troisième chambre
Alors que le Cese tente de redéfinir son rôle dans une démocratie en mutation, ces critiques soulèvent une question de fond : faut-il repenser en profondeur le rôle de cette institution ? Certains, y compris dans la majorité, n’excluent pas une réforme structurelle ou une réduction de ses effectifs. D’autres plaident pour une meilleure articulation avec le Parlement, et une écoute accrue du gouvernement.